Le
pays qui a oublié ses dissidents
L'opposition
roumaine n'a jamais pu s'organiser. La plupart des acteurs de la révolution
ont quitté la vie publique, et leurs idéaux ont
cédé la place à une réalité
désenchantée.
La
presse libre semble plus séduire les ex-dissidents que les
fauteuils ministériels. Ainsi, l'activiste des droits de l'homme
Gabriel Andrescu dirige la revue REVISTA 22, le journaliste rebelle Anton
Uncu est à la tête du quotidien ROMANIA LIBERA et le
poète Mircea Dinescu aux commandes de l'hebdomadaire satirique
CATAVENCU.
Les
poètes Ana Blandania et Mircea Dinescu entrèrent
en dissidence parce qu'ils n'étaient pas satisfaits de la
situation qui régnait dans les milieux littéraires
et parce qu'ils transposaient leur mécontentement dans la
poésie. Dans le cadre d'interviews accordées
à la presse étrangère, ils émirent
des accusations directes à l'encontre du Parti. .
Rien
n'était organisé. Autant d'appels isolés.
Les Roumains, effrayés, les entendaient sur Radio Free Europe,
les approuvaient et, probablement, admiraient leur courage. Mais les moindres
tentatives de dissidence collective furent réprimées
avec une extrême brutalité.
Publier
un manifeste ou envoyer une lettre à Radio Free Europe étaient
des gestes extrêmes en Roumanie. La terreur parfaitement huilée
du régime ne permettait pas aux opposants de se rencontrer
et de débattre de ce qu'il faudrait faire à l'avenir.
"Les
assassins de Gheorghe Ursu sont libres et prospères". C'est
par ces mots qu'un collectif d'intellectuels, dont plusieurs anciens dissidents,
a salué au mois d'août dernier la publication
d'un livre sur cet ingénieur mort en détention,
en 1985. A l'époque, le procureur, un certain Vasile Manea
Dragulin, avait déclaré; "Les causes de la mort
sont pathologiques." Du temps du régime d'Illiescu Dragulin
est devenu procureur général. Et l'opinion publique,
pour citer Doina Cornea, affiche une indifférence qui se porte
bien.